« L’alchimiste ne transforme pas, il transmute »

Patrick Burensteinas est docteur en Physique et Alchimiste. Il décrit son travail comme un art qui cherche à faire disparaître la matière au profit de la lumière. Il sera l’une des rencontres éclairante du congrès Quantique Planète Reims 2015 « Tous mutants demain ». Il nous accorde un entretien et nous offre un avant-goût d’une rencontre à l’extérieur de notre bulle.


Vous êtes Alchimiste, c’est un mot qui fait résonner un tas de symboles et de mystères. Qu’est-ce que c’est qu’un alchimiste ? 

Patrick Burensteinas : L’image que l’on a de l’alchimiste ce sont des personnes, au moyen âge, qui cherchaient la pierre philosophale et qui, en réalité voulaient plutôt à transformer le plomb en or. Ils ont ainsi trouvé des produits chimiques qui ont donné, une fois la superstition envolée, la chimie. L’Alchimie ce n’est pas cela, c’est avant tout une méta physique, c’est-à-dire une voie de réintégration. C’est l’idée que nous venons d’un tout et qui pose la question, « comment va-t-on y retourner ? ». C’est véritablement une quête philosophique. En voulant faire ça, l’alchimiste travaille sur la matière tout en voulant faire disparaître l’univers. Quand on arrive dans ce monde on apparaît et on disparaît lorsqu’on le quitte. Finalement, nous ne faisons que paraître. En alchimie on parle de persévérer où l’on entend « percez et vous verrez ». La question est alors « Percer quoi pour voir quoi ? ». Percer le monde pour voir ce qu’il y a derrière, c’est le but de l’alchimie. La pierre philosophale est un clou qui perce la réalité pour montrer la lumière qui est derrière.

La pierre philosophale, justement, est-ce un mythe ou une réalité ?

Patrick Burensteinas : Ce n’est pas une vue de l’esprit, elle existe vraiment. C’est la matière première. Et si il y a une première matière, c’est qu’avant était la lumière. Le jeu consiste à prendre un matériau et à le râper jusqu’à voir à travers. Si l’on voit à travers c’est la pierre philosophale. C’est comme une fenêtre dans une maison. C’est la capacité de voir ce qu’il y a dehors. Imaginez que l’univers soit une bulle. A l’extérieur de cette bulle, il y a l’incréé. C’est quelque chose de différencié que l’on appelle la lumière. L’alchimie c’est faire un trou dans cette bulle pour que la lumière de l’extérieur entre à l’intérieur. C’est une espèce de pontife qui va faire un pont entre les deux.

La quête de l’alchimiste trouve une finalité ou est-ce le travail d’une vie ?

Patrick Burensteinas : C’est, bien sur, le travail d’une vie. C’est la différence entre le savoir et la connaissance. Le savoir est chronologique. C’est-à-dire qu’il suit la logique du temps. Alors que la connaissance apparait quand elle veut. Nous allons vivre trois étapes. Tout ce qui est autour de nous s'appelle la matière, « l’âme à tiers », un tiers d’âme et deux tiers d’autre chose. Et si l’on parle de suivre une voie, cela s’entend par trois mots différents. Puisque l’on voit, on entend (voire) et on la suit comme un chemin (la voie). 

N’y a-t-il pas une dualité entre la science et une forme d’ésotérisme ?

Patrick Burensteinas : L’alchimie n’existe pas pour être concret. Lorsque j’ai commencé à faire de l’alchimie, j’ai voulu la "scientifiser". Je pensais qu’il s’agissait de techniques que l’on avait oubliées et qu’il suffisait de retrouver. Aujourd’hui je m’aperçois que ce n’est pas du tout ça. L’alchimie est un art. D’ailleurs l’alchimie s’appelle « le grand art » et l’art n’est pas quantifiable. L’artiste ne va pas fonctionner par raisonnement, mais par inspiration. La science, c’est comprendre ce qu’il y a à l’intérieur de la bulle, l’art c’est comprendre ce qu’il y a à l’extérieur. Ce sont simplement deux choses différentes.

Vous dites être un alchimiste opératif. Qu’est-ce que ça veut dire ?

Patrick Burensteinas : L’alchimiste opératif travaille en laboratoire. Ce n’est pas un travail philosophique basé sur une vue de l’esprit. L’alchimiste opératif conçoit et ce qu’il conçoit il l’applique sur la matière. D’ailleurs c’est inscrit dans le mot « laboratoire » c’est « labor » et « oratoire », moitié dans la matière et moitié dans l’esprit.

Peut-on dire que l’alchimie serait un laboratoire de la matière ?

Patrick Burensteinas : On pourrait plutôt dire que c’est une extra-territorialité, un lieu dans lequel la réalité peut être altérée. Nous y sommes à cheval sur deux univers, celui qui est matériel et interne et l’autre spirituel, énergétique et externe. On peut dire que le laboratoire est un pont. Pour ce faire on va travailler avec de la matière qui sera purement matière et qui, petit à petit va se volatiliser, se sublimer. Le but de l’alchimie, c’est faire disparaître la matière pour qu’il n’y ait plus d’obstacle à la lumière.

On peut considérer que l’impalpable est déjà de la matière ?

Patrick Burensteinas : Absolument ! La lumière visible c’est déjà de la matière. Lorsque vous prenez un coup de soleil, vous sentez bien qu’il y a un impact des ondes. Où commence l’onde ? Où commence la matière ? C’est souvent un problème de physique et d’observateur. L’alchimiste utilise le terme de la « vraie lumière » et lorsque nous utilisons ce terme, il ne s’agit pas de la lumière de notre monde. On imagine qu’il y a une source originelle, qu’il y a une énergie, le croyant dira qu’il y a une permanence ou un Dieu, mais tout cela n’est pas vrai. A un moment il y a une singularité qui s’est créé. Il y a eu une agitation dans l’immobile. Cette agitation c’est ce que l’on appelle la matière. Donc pour nous, la lumière c’est tout ce que nous ne savons pas transmuter en matière. Dans ce monde, à l’intérieur de la bulle, nous transformons. C’est-à-dire que nous prenons une forme pour faire une autre forme. L’alchimiste ne transforme pas, il transmute. C’est-à-dire qu’il rend à la matière son état originel, celui de la lumière.

Existe-t-il une réalité pour vous ?

Patrick Burensteinas : Il en existe plusieurs. C’est une question de point de vue. La réalité ne dépend que de l’observateur. Si je suis dans une pièce, il y a de la musique partout, mais je ne l’entends pas. Par contre si j’ai un récepteur, je vais entendre une station de radio. Mais si je change la fréquence j’entendrais une autre station de radio. Les musiques sont au même endroit, mais peut-on dire que l’une d’elle est devant, derrière, dessus ou dessous. Elle est au même endroit, mais pas à la même fréquence. Ce qui est vrai pour la musique, doit être vrai pour la matière. Donc si la matière a une autre fréquence, elle dépend d’une autre réalité. On peut donc imaginer une infinité de réalités en fonction de la fréquence.

La conférence que vous donnerez au congrès « Tous mutants demain » parlera de transmutation. La matière et la transmutation sont-elles indissociables ?

Patrick Burensteinas : Absolument puisque la matière naît de la transmutation et cette matière va redevenir énergie. Donc nous sommes sans cesse en transmutation. A la naissance de notre univers, la première chose qui arrive, c’est l’hydrogène et il vaut « 1 ». Nous constatons ensuite que l’hydrogène se combine pour faire tous les éléments qui sont dans notre monde. Donc le soleil et le « 1 » fonctionnent par transmutation que l’on appelle d’ailleurs une transmutation radiochimique. Sans transmutation, il n’y a pas de matière. Et si cela fonctionne dans ce sens-là, il n’y a pas de raison que ça ne marche pas dans l’autre sens. On disait que les alchimistes pouvaient transmuter le plomb en Or. C’est vrai et c’est assez facile. Leurs numéros atomiques sont proches. Le mercure a un numéro atomique de 80 et l’Or de 79. Il suffit de retirer juste un électron. Alors évidemment, il n’est pas simple de retirer un électron, mais c’est théoriquement très facile. L’alchimiste ne fera pas cela d’une manière physique mais métaphysique. Il considère qu’il y a un esprit à l’intérieur de la matière. D’ailleurs nous parlons de dialogue avec la matière. Je peux modifier la matière et l’environnement rien que par ma pensée, par ma présence ou par mon vouloir. C’est ce que l’on peut appeler la magie et la magie, c’est « l’âme agit ».

Comment peut-on exactement définir la transmutation ?

Patrick Burensteinas : C’est le passage d’un élément à l’autre sans effet chimique. Par exemple si vous sevrez une poule de calcium. Il va y avoir un problème car la coquille de ses œufs va devenir molle. Pour pallier à cela elles vont naturellement picorer des cailloux pour faire des œufs avec une coquille dure. Dans les cailloux, il n’y a pas de calcium mais de la silice. Elles vont alors transmuter la silice en calcium. Elles ont pris un élément pour en faire un autre.

Depuis quand parle-t-on de transmutation ?

Patrick Burensteinas : Depuis que l’homme est homme. Depuis lors que les hommes considèrent qu’il y a une interaction entre des forces extérieures que l’on appelle des Dieux, des anges… Les textes anciens parlent de transmutation. La chimie commence avec les Sumériens.

La transmutation et l’adaptation sont-ils deux effets liés ?

Patrick Burensteinas : C’est souvent la question qui se pose. Il existe des effets sans cause. On peut dire que la transmutation est un effet sans cause. Je pense que les deux existent et pour une bonne adaptation d’une espèce il faut les deux. Il y a, bien sûr, des relations de cause à effet. Le singe a été contraint de descendre de l’arbre car il n’y avait plus assez d’arbres. Sur la terre, il s’aperçoit qu’il n’a plus besoin de s’accrocher aux branches pour vivre et se déplacer. Mais par terre, il voit moins bien son horizon et donc l’approche éventuelle de ses ennemis. Pour cela il est obligé de se lever. Et c’est comme ça que l’homme se lève et libère ses mains. On voit bien là qu’il y a des causes et des effets. Par contre imaginons des grenouilles qui pour des raisons inexpliquées deviennent toutes femelles. Les mâles disparaissent. Il n’y a pas de relation de cause à effet. Sauf qu’il va arriver un moment où l’une d’elle va se transmuter en mâle pour pouvoir faire perdurer l’espèce. C’est alors une transmutation spontanée. Mais dans les deux cas que ce soit spontané ou de cause à effet, la transmutation répond à une adaptation au milieu.

La transmutation serait une forme de construction ?

Patrick Burensteinas : Oui c’est forcément une forme de construction bien que pour l’alchimiste ce soit une forme de déconstruction. Je ne parle pas de destruction. Détruire serait casser une forme et se retrouver avec les morceaux alors que transmuter c’est véritablement faire disparaître cette forme.

Il y a une transmutation humaine qui se met en route ?

Patrick Burensteinas : Bien sûr ! Après, chacun a son point de vue sur le sens de l’humanité et d’où elle vient et vers où elle va. Pour l’alchimiste nous sommes dans chaque chose et chaque chose est en nous. Le premier travail sera la contemplation, c’est l’ouverture du temple et cela n’a rien de religieux. Je ne fais rien et je perçois les informations autour de moi. Si ces informations me traversent, je vais devenir parfaitement transparent donc vraiment à ma place. On appelle ça de l’Or. C’est-à-dire que tout est à sa place, vous aussi, et vous ne savez pas pourquoi. Par contre si vous vous posez la question de savoir pourquoi vous êtes bien, vous ne l’êtes déjà plus.

Quelle est la quête de l’homme finalement ?

Patrick Burensteinas : Immanquablement c’est la quête du bonheur. Aujourd’hui il nous faut des raisons pour être heureux alors que la seule manière d’être heureux c’est de ne pas avoir de raison.

Interview réalisé par Florent Lamiaux